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Interview

https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=025mNgVnW7c

Tres guitarras flamencas with french touch

Nicolas Saez est tard venu à la guitare flamenca, qu’il a apprise essentiellement de manière autodidacte, et lors de quelques courts séjours à Grenade. D’où peut-être l’originalité d’un projet dont « De allí pacá« , un EP de cinq titres paru il y a quelque mois, est la première production.

Le disque commence par une composition en deux parties (« Vida« ), qui présente d’abord le guitariste en solo, puis en duo avec le percussionniste Juan Manuel Cortés, remarquable comme à l’accoutumée sur cette farruca comme sur les trois compositions suivantes de l’album. Dans le prélude de « Vida« , Nicolas Saez s’attache à réharmoniser de manière originale les séquences d’accords traditionnelles de la farruca, essentiellement par des enchaînements d’arpèges liés par de courts traits mélodiques, qu’il varie ensuite en duo sur un tempo plus enlevé qui apparente la pièce à un tango en La mineur (capodastre à la première case).

Mais la pensée musicale du compositeur, plus harmonique et rythmique que mélodique, s’avère particulièrement adéquate au trio à cordes auquel sont dévolues les bulerías (« Viajando« ), la guajira (« De allí pacá« ) et la rumba (« A tu aire« ) qui suivent – une formation originale tant par sa composition (guitare, violon et basse) que par la discipline d’origine des deux partenaires du guitariste : le jazz pour Nicolas Frossard (violon) et le rock pour Julien Cridelause (basse). Dès ce coup d’essai, les trois musiciens font preuve d’une parfaite cohésion et produisent une musique certes enracinée dans le flamenco traditionnel, mais ouverte sur ce qu’il est convenu de nommer les « musiques actuelles ».

Lancées par un duo taconeo (Léa Linares) / palmas, les bulerías (en mode flamenco sur Si, « por granaína ») posent les bases d’un travail de groupe dans lequel Nicolas Saez délègue volontiers le discours mélodique au violon (beau chorus pour le final), assurant un accompagnement qui se mue parfois en dialogue, en forme de basse continue alternant rasgueados, arpèges et « remates » pour les relances, sur l’assise d’une section rythmique impeccable (basse et percussions). Autre invité de marque, Alberto García s’intègre à l’ensemble pour un cante original dans la veine de Ketama – il récidive dans le même style pour la rumba.

La qualité des brèves interventions du guitariste nous font un peu regretter qu’il omette en général de les développer. C’est également le cas pour la guajira : le violon y assume le chant, d’abord en paraphrasant le cante traditionnel, puis par une nouvelle série de chorus. La belle idée de modulation à la tonalité mineure homonyme (La mineur – à 2’48) aurait ainsi mérité d’engendrer de nouveaux motifs mélodiques de la guitare, ou à tout le moins d’être répétée et variée périodiquement. La rumba jazzy conclusive fait preuve des mêmes vertus. Mais, après l’exposition du thème en duo guitare / violon, Nicolas Saez s’y montre enfin un peu moins altruiste, et se livre à une longue partie soliste entre les deux cantes d’Alberto García.

« De allí pacá » est une carte de visite prometteuse, et nous attendons donc avec intérêt un premier album plus substantiel qui ne saurait tarder.

Claude Worms


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